XI. La cause en était moins dans la faiblesse de la population que dans l’exiguité des ressources. Faute de subsistances, on ne leva qu’une armée peu considérable, de telle sorte qu’on pùt espérer la faire vivre chez l’ennemi en combattant. En arrivant, les Grecs gagnèrent une bataille ; cela est évident, car autrement leur armée n’aurait pu se retrancher dans un camp fortifié ; mais, à partir de ce moment, il ne parait pas qu’ils aient fait usage de toutes leurs forces réunies. Faute de vivres, ils se mirent à cultiver la Chersonèse et à faire le brigandage ; et cette dispersion facilita aux Troyens, toujours égaux en forces à ceux qui restaient sous les armes, cette résistance de dix années. Si, au contraire, les Grecs étaient venus avec d’abondantes provisions ; si, au lieu de se livrer à la piraterie et à l’a- griculture, ils étaient restés constamment réunis et en armes, après leur première victoire ils auraient facilement emporté la ville, puisque, dispersés, ils purent cependant soutenir la lutte avec la seule fraction de leurs forces qui restait en face de l’ennemi. Tout entiers au siége de Troie, ils s’en seraient emparés en moins de temps et avec moins de peine. Ainsi, faute de ressources, les entreprises qui ont précédé n’ont eu qu’une médiocre importance, et celle-ci même, — les faits le prouvent, — a été de beaucoup au-dessous de sa renommée et des récits aujourd’hui accrédités par les chants des poëtes.